Il y a ces actualités qui m'effraient. La violence, la santé en péril, l'austérité partout.

Il y a aussi l'automne qui prend ses aises, déploie ses nuages, évente ce qu'il reste de nos corps d'été. La grisaille, l'humidité , la lumière qui se retire sans révérence.

J'étais bien en été. 

J'étais bien, dans la verdure, dans les embruns, sur les chemins, dans la lenteur, dans les bouquins. J'étais bien à cueillir des mûres, des mots d'enfants, à glaner des heures de rires et des heures de rien. 

La rentrée m'a de nouveau aspirée dans une liste infinie de cases à cocher. C'est dans ma tête que manque l'espace. Au fond, je sais bien que tout n'est question que de fatigue et de perception. Le temps peut toujours se trouver. L'énergie se ménage. Les priorités s'arbitrent.

Quand je fais chanter Julien Doré dans le salon quatre fois de suite en dansant et en chantant à tue-tête, je le sais.

Quand je passe l'après-midi l'appareil photos en bandoulière et que je fais un bouquet d'automne, je le sais.

Quand je glisse mes pas dans l'herbe mouillée, je le sais. 

Quand la mousse se faisant toboggan, les champignons s'en donnent à cœur joie, je le sais.

Quand j'imagine des gâteaux pour pouvoir mieux les déguster, je le sais.

Quand je me crée des dimanches au milieu de la semaine, je le sais.

Quand je retrouve Opaline et ses couleurs pastelles, je le sais.  

Mais il y a ces matins où le focus se fait sur les tuiles, les renoncements et les prises de retard, les stagnations qui nous aliènent un peu plus au monde qu'on voudrait rejeter de tout notre cœur. 

Ce sont des matins d'à quoi bon.

Ces matins-là, j'aimerais qu'une autre moi me prenne par la main. 

Qu'elle me dise que l'automne est là pour que je laisse tomber mes feuilles mortes. Pour que je me déleste un peu plus encore du superflu, du périmé, de ce que je m'inflige à moi-même et de ces possessions qui nous possèdent. 

Qu'elle me dise que mes branches nues auront alors de l'espace et du temps. Qu'il faut bien quelques "non" pour laisser de la place à des "oui" plus appropriés. 

Et je sais que je serai bien dans le rougeoiement des paysages, dans les embruns, sur les chemins tapissés de feuilles mortes craquantes sous mes pas, dans la lenteur, dans les bouquins, une bougie allumée à mes côtés. Je serai bien à ramasser châtaignes et noix, des mots d'enfants, à glaner des heures de rires et des heures de rien ... 

Je serai bien en Automne.