Un matin d'été , je rencontrai le Vieux faune cornu et barbu de l'autre côté du mur après m'être faufilée par la brèche masquée sous le lierre et les noisetiers. Nous parlâmes des hommes et qu'un peu plus chaque jour, on prélève sur nos rêves, on nous ratatine l'âme mais, nous savons bien que si le temps a perdu ses saisons, est devenu uniforme, c'est qu'on nous a désenchantés.

 Quand le monde va mal, il le fait savoir. Il m'a raconté, les sabots dans la rosée, qu'autrefois, lorsque les anciens souffraient de sécheresse ou encore de trop d'eau, ils faisaient venir un sorcier, un mage pour y remédier. Et le ciel finissait toujours par faire chanter la pluie sur le sol sec ou faisait réapparaitre le soleil pour mûrir les blé. 

 

 

Chaque saison est un livre de contes. Un inépuisable livre de contes éclos à l'aube des Temps et qui  à travers les siècles poussent, s'égrènent, grainent et repoussent et qu'il en sera toujours ainsi, car leurs échos sont déjà dans l'espace. 

Il me dit aussi que chaque animal aussi petit soit-il, que pour chaque plante, fleur, herbe aussi simples soient-elles, il se conte autant d'histoires, car chacune, chacun possède des esprits.

Ces esprits qui enchantent les prés, les bois, les collines, les jardins ... et aussi la végétation des villes si on voulait entendre... 

Je me sens bien auprès du Vieux Faune à la verte ramure, je me sens à l'abri. Il m'a ouvert les portes de son Royaume, celui des esprits cachés, des immortelles divinités qui vont partout à tire-d'aile de saison en saison. C'est ainsi que les hirondelles font des merveilles, comme tous les animaux, les plantes aussi, elles nous communiquent leurs savoirs.

 Nous sommes des aveugles et les hirondelles nous éclairent. Je les ai vues s'envoler depuis un petit coin de Sologne. Elles sont reparties vers des contrées plus chaudes. Elles savent. Moins nombreuses d'année en année, elles continuent néanmoins leur migration immuable depuis le début des Temps. Elles sont les scribes de ce qui sera. 

J'ai déposé mes rêves au coeur d'un coquelicot à la fin du printemps, il dansait au vent de juin , septembre est venu. A la lune des mares, peu à peu, le jardin rêvé de l'été vacille au sommet de son éclat et les ombres s'allongent déjà sur les chemins.