Il m'arrive souvent de prendre les chemins de traverse et de suivre les étroits sentiers , comme ça , par instinct , en faisant le moins de bruit possible , non par crainte mais cela me paraît approprié de ne pas troubler l'ordre naturel qui règne autour de moi .

Je ne vais pas très loin , juste dans le sous-bois que le chemin traverse .

Je tourne à droite , je contourne les troncs , la boue , caresse les hautes herbes , je m'arrête , je regarde , je laisse mon regard s'accrocher aux nuages , aux branches des arbres .

Je m'émerveille devant un collier de champignons posé sur une souche . 

On dirait des coquillages . C'est comme si la marée était venue jusqu'ici et avait déposé un souvenir de son passage .

Je marche jusqu'à une grande pierre tapissée de mousse verte , tombée on ne sait d'où au milieu de ce sous-bois . Sans doute , un soir de pleine lune , une étoile , elle-aussi , a laissé trace du firmament .

Alors, je plisse les yeux jusqu'à ce que la pierre s'estompe sous mon regard .

Les coussins de mousse deviennent alors des collines s'étirant jusqu'à l'horizon .

Les sporophytes roux pointent , tels de jeunes arbustes .

Certaines collines sont rases et dures , d'autres touffues et trempées comme une forêt après la pluie .

Des lichens de couleurs diverses font figures de haies et de buissons dans le paysages .

Dans les creux , de petits réservoirs d'eau de pluie se transforment en lacs miroitants .

La nuit, les escargots traversent la pierre , et leur bave séchée scintille , sinueux sentier  de poussière d'étoiles .

Quant, l'été , un lézard passe furtivement , il prend des allures de dragon géant , timide protecteur des collines silencieuses .

Je reste longtemps ainsi à contempler ce paysage moussu .

Mousse blanche , mousse col de cygne , mousse étoilée .

Alors, j'entends un bruissement dans l'air, quelque chose de blanc arrive à tire-d'aile, un cygne , vite, je grimpe sur son dos , cramponnée à son cou , je m'envole , les étoiles défilent et peu à peu mes pas s'éloignent , la grande pierre devient caillou .

C'était juste une illusion tissée au creux d'un sous-bois traversé par un petit chemin .