"Du haut de ce terril , 100 ans d'extraction vous contemplent" pourrait commenter un Bonaparte en visite .
C'est ainsi que commencent les visites guidées d'une association de passionnés qui a rendu l'aventure possible , celle de gravir ces montagnes noires que les hommes ont érigées . 
Et escalader une montagne noire , c'est saisir toute l'âme du bassin minier . 
C'est mon paysage .
C'est ma région . 
C'est son histoire  .
C'est la mienne également , celle de la petite fille de mineur que je suis .


Terril ?
Le mot vient du wallon tèrri , qui désignait déjà vers 1300 l'amas de terre et de pierre que l'on retirait du sol pour exploiter une mine .

Ces pyramides de schiste sont les marqueurs de l'identité du bassin minier du Nord Pas-de-Calais classé à l'Unesco .

Il y a 340 terrils houillers dans la région , dont le plus haut d'Europe à Loos-en-Gohelle qui culmine à 188 mètre , plus haut que le plus haut sommet de la Flandre , le Mont Cassel . 
Alors vous voyez que mon Plat Pays , ne l'est pas tout à fait .

Du haut de ces tas de schistes , déchets stériles de l'extraction houillère , ce sont trois siècles d'histoire de l'industrie charbonnière et avant tout d'histoire humaine que l'on contemple .



Sur les terrils , un monde à part s'ouvre à vous .
L'atmosphère y est presque lunaire .
C'est la préhistoire qui remonte à l'air libre .
Il y a plus de trois cent millions d'années, sur ces terres se trouvaient des forêts hercyniennes luxuriantes aux arbres géants , aux fougères arborescentes. 

Avec mon père , nous allions à la recherche de fossile de fougères , de prêles . Il m'arrive encore d'en découvrir . Empreintes d'un temps que les hommes n'ont pas connu . Il a fallu qu'ils descendent sous terre pour les remonter à la lumière du jour et en faire des montagnes d'un schiste qui vient de sept cents mètres sous terre , jusqu'à 1000 mètres dans la fosse n°6 que l'on surplombe ici .





Ici , nous sommes en haut d'un des deux terrils du Pays à Part , à Haillicourt près de Bruay-la-Buissière .
La vue panoramique est à couper le souffle .
A 180 mètres d'altitude , au sommet d'une montagne noire , c'est déjà comme nulle part ailleurs .
Le Pays minier s'ouvre à nous .

Le paysage façonné par l'homme est fascinant : la succession de terrils coniques ou aplatis qui s'étendent d'est en ouest évoque une chaine de volcans , quelques chevalements non démantelés marquent l'emplacement des carreaux de fosse autour desquels les cités minières s'ordonnent de façon régulière et les champs aux alentours soulignent la vocation agricole première de la plaine .




Il faut gravir quatre cent vingt marches pour arriver tout là-haut , tout en haut du terril . Un long escalier aménagé pour préserver le site fragile , tant pour des raisons écologiques qu'historiques . Ces terrils , témoins de la vie dure des mineurs , sont à présent représentants de notre avenir écologique .

Les couleurs claquent : noir du charbon , vert et jaune de la plaine , rouge de la brique .
 Des plantes et une faune pionnières s'y sont installées . Les spécialistes parlent d'un habitat de steppe .La vie fleurit partout même en ces lieux que l'on pensait stériles .

L'émotion n'est pas qu'esthétique .



 .

Aujourd'hui , les bâtiments de la mine ont disparu .


Il reste un espace de 140 hectares dominés par les terrils n°2 et 3 .
Un espace que les hommes ont bâti et que la nature reverdit peu à peu . 




Il n'est pas rare de rencontrer d'anciens mineurs . Ils viennent à l'encontre de leurs souvenirs . 
Aucun d'entre eux ne regrette d'être descendu "au fond " .

Ils vous parlent de ce monde de charbon dont ils sont si fiers , fiers de leur histoire , fiers que chaque coup de pic est gravé à jamais dans ces paysages , fiers de leurs montagnes , témoins vivants de la mémoire des femmes et des hommes de ce pays .
Les images de leur vie se superposent , faite de dureté et parfois de drames mais aussi de solidarité et de convivialité .
C'est la qualité de cet héritage social et culturel partagé par les mineurs du monde entier que reconnait le Label de l'Unesco 





La découverte d’un morceau de charbon, il y a 300 ans à Fresnes-sur-Escaut , près de Valenciennes, est l’origine du bassin minier du Nord – Pas-de-Calais . Il est  inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco depuis le 30 juin  2012 dans la catégorie " paysage culturel évolutif et vivant ".




Les terrils jumeaux du Pays à part 
Haillicourt 
Pas-de-Calais 

Pour sentir et ressentir l'âme et le cœur de tout un pays .
Le mien .



Commentaires

  1. Un paysage typique de ta région, que j'ai pu admirer du train les quelques fois où je suis venue dans le nord. Une visite sans nul doute passionnante, qui rend hommage au métier si dur de mineur, et à tous ces hommes qui y ont laissé la vie. Je serais bien incapable de monter ces 420 marches, mes genoux m'en empêcheraient je pense, mais que le paysage est beau vu de là-haut ! Que ça doit être émouvant de voir ces fleurs, dans un paysage comme tu le dis presque lunaire. Merci Véronique pour ces jolies photos, et pour cet hommage à tes ancêtres, et aux gens de ta région.
    Belle journée, je t'embrasse !
    Cathy

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  2. Ils ont de quoi être fiers ces hommes d'être descendus au fond pendant des années, au péril de leur vie et au détriment de leur santé et toi, tu peux être fière de ton grand-père. Je comprends que tu sois attachée à cette terre et je trouve formidable que tout soit fait pour préserver ce paysage qui fait partie de l'histoire de notre pays. Je ne connais pas les terrils du nord, uniquement ceux beaucoup plus modestes et moins étendus de Gardanne. Je trouve merveilleux que la nature reprenne ses droits et protège en quelque sorte ces amas de schiste qui sans elle, seraient détruits par l'érosion. J'ai gravi avec toi ces marches et admiré ce paysage particulier, façonné par le travail des hommes. Merci pour ce témoignage émouvant, je t'imagine petite-fille rechercher des fossiles avec ton père, tous deux sur les traces de votre passé, il t'a transmis quelque chose de merveilleux lors de vos balades...Je t'embrasse et te souhaite de passer une douce journée

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  3. Bonjour ma chère Véronique, que rajouter de plus à ce bouleversant témoignage que tu racontes si bien? ...Rien, car tout est dit, tout est senti, tout est vibrant de toute l'émotion et l'attachement que tu portes à tes racines. Moi, je viens d'un pays plus au sud, au delà de la mer, tu sais, dans un pays qui s'appelle l'Afrique. Pourtant, je ressens la même émotion en te lisant... Ton plat pays est beau et tu peux en être fière. La nature reprend ses droits et couvre, de sa bienveillance, toutes les peines, les douleurs et les joies qui se sont élevées ici, sur ce vibrant pays. Je t'embrasse bien affectueusement et te remercie d'être passée. A bientôt de te lire car, à chaque fois, c'est l'émotion qui m'envahit.

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  4. Ce paysage te parle de ton enfance, de ton père qui te racontait son métier, je comprends qu'il soit cher à ton coeur, il t'a montré les surprises qu'offre la terre, la peine des hommes, tant de choses qui encore te bouleversent ... IL ne manque pas de beauté !
    Je t'embrasse chère Véronique

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  5. bel article et belles photos .....!!! Par ici des "mines" de pétrole ...il fut un temps....ne reste que des vestiges ....

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  6. Quel plaisir de découvrir ta page Véro avec tous ces souvenirs de nos anciens qui reviennent en surface, mon père était porion, mon beau frère mineur à la fosse 6 de Labourse … notre patrimoine survivra grâce à ces terrils protégés et qui nous s'offrent une nouvelle vie avec cette végétation qui les embellit.
    Merci de cette émotion que tu as suscitée chez moi Véro … çà fait partie de notre Histoire de famille !
    Je te souhaite une belle soirée bien au chaud car il fait encore si frisquet !
    Bises du cœur !
    Nicole

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  7. C'est curieux, cet après-midi à l'atelier chant nous avons chanté les corons et nous parlé du travail difficile des mineurs et ce soir je lis ton article à ce sujet.
    Un billet émouvant et bien narré.
    Bonne soirée Véronique, muxu

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  8. Une page très émouvante Véronique. Un bel hommage à ton papa et à tous ces hommes. Quel métier difficile ! Que d'angoisse aussi pour ceux qui attendaient qu'ils remontent à la surface... Merci d'avoir partagé avec nous une part de ton histoire et nous faire connaître cet endroit. C'est merveilleux de voir la nature renaître, les fleurs apparaître.
    Je te souhaite une douce et belle soirée et te fais de gros bisous

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  9. Mon Amie Véronique,
    Tu m'as profondément émue avec ce récit aux images magnifiques et poignantes...
    Récit plein d'humanité, tissé de souvenirs, de liens familiaux, mémoire vive évoquant les relations ardentes, subtiles, intimes entre l'Homme et la Terre... La Terre qui donne, initie, fait pousser la vie...
    Cette Terre qui coule en tes veines et dont les sillons, les collines, les arbres, les plantes portent la marque de ce que ton papa t'a transmis...
    C'est de la magie dans le réel... Comprendre et ressentir ce qui a été et ne pas le laisser sombrer dans l'oubli...
    Merci pour la beauté infinie de ce partage et la sensibilité de tes confidences, ton papa tel une étoile et ta maman aussi sont là, au firmament de tes écrits, dans le ciel étoilé qui contemple la terre des ancêtres...
    La magie est là, oui, la Nature reprend ses droits, la Terre se fait démiurge et les fleurs s'offrent comme des petits bijoux, rythmant le fil de la marche. Les formes géométriques se modifient, deviennent plus vertes, appelant la féerie de l'instant, ranimant la flamme des émotions vécues.
    Quelle force ont eu ces hommes qui sont descendus dans les entrailles de la Terre Mère... et quelle force ont eu les femmes, en résonance, les enfants, les familles qui se soutenaient... Quel courage ! Mon respect profond...
    Un passionnant reportage, merci beaucoup mon Amie, je te souhaite une fin de semaine toute douce et enveloppée de sensations de bonheur ardent !
    Gros bisous...
    Cendrine

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  10. Bonjour Véronique… Mineur, dans les profondeurs, ce n'est pas rien comme métier, à une époque où le charbon était dans les foyers… gamine on se chauffait ainsi, chez nous aussi… dans le Borinage nous avons nos mines, et des italiens venus pour se faire, des catastrophes également, métier à risque ! Paysage créé par l'homme, eh oui… nullement naturel, merci pour ce beau billet…. ,-) bon dimanche à toi, bises, JB

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  11. Bonjour
    C'est sa qui fait la richesse d'un endroit! Son passé!
    Espérons qu'ils pourront toujours être tels qu'ils sont!
    Bisous

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  12. un billet que j'ai relu avec plaisir. Bonne soirée Véro, muxu

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  13. Coucou Véronique, oui moi aussi je suis comme Eki eder et je reviens lire ce magnifique article et te remercie également de venir sur mes pages. Je t'embrasse bien affectueusement et te dis à bientôt. Belle fin de semaine.

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  14. merci pour tes mots Véronique. Je n'ai jamais trouvé d'orchidées sauvages par chez moi....pour l'instant.
    Bonne soirée Véro, muxu

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  15. Envie de te chanter:
    Les Corons de Pierre Bachelet

    Au nord, c'étaient les corons
    La terre c'était le charbon
    Le ciel c'était l'horizon
    Les hommes des mineurs de fond

    Nos fenêtres donnaient sur des f'nêtres semblables
    Et la pluie mouillait mon cartable
    Mais mon père en rentrant avait les yeux si bleus
    Que je croyais voir le ciel bleu
    J'apprenais mes leçons, la joue contre son bras
    Je crois qu'il était fier de moi
    Il était généreux comme ceux du pays
    Et je lui dois ce que je suis


    Au nord, c'étaient les corons
    La terre c'était le charbon
    Le ciel c'était l'horizon
    Les hommes des mineurs de fond

    Et c'était mon enfance, et elle était heureuse
    Dans la buée des lessiveuses
    Et j'avais des terrils à défaut de montagnes
    D'en haut je voyais la campagne
    Mon père était "gueule noire" comme l'étaient ses parents
    Ma mère avait les cheveux blancs
    Ils étaient de la fosse, comme on est d'un pays
    Grâce à eux je sais qui je suis

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  16. merci pour ton gentil commentaire, je suis très touchée.
    Très belle soirée Véronique, je t'embrasse

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  17. Coucou Véronique et encore merci de venir sur mes articles. J'espère que tout va bien pour toi et tes proches en ces jours difficiles de confinement. Il nous reste notre imagination, qui est très fertile chez toi. Je t'envoie mille bises et te souhaite une belle fin de semaine. Prend soin de toi

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  18. Merci pour ton commentaire.
    Très bon dimanche Véro. Je t'embrasse.

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  19. Un mot en passant Véronique, merci pour tes commentaires toujours bien chaleureux chez Titi dont nous partagerions volontiers le jardin avec toi !

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